À l’occasion des Rencontres d’Arles 2025, Yves Saint Laurent est célébré comme jamais auparavant dans une exposition photographique monumentale au sein de LUMA Arles. Intitulée Yves Saint Laurent et la photographie, cette rétrospective inédite dévoile le couturier à travers les regards de plus de 30 photographes majeurs du XXᵉ siècle, d’Helmut Newton à Richard Avedon. En rendant hommage à une figure ayant autant façonné qu’embrassé l’image, l’exposition témoigne de l’osmose unique entre mode et photographie, tout en redessinant les contours du mythe Saint Laurent, entre glamour, audace et vulnérabilité.
Une vie façonnée par l’image, de Dior à la légende
Yves Saint Laurent n’a jamais seulement été un couturier : il a été une image, un récit vivant. Dès ses débuts fulgurants, après avoir remporté le concours du Secrétariat international de la Laine en 1954, il entre chez Dior, puis prend les rênes de la maison à la mort du maître. Cette ascension précoce, largement documentée dans la presse internationale, marque le début d’un parcours indissociable de la photographie. Les clichés d’époque, exposés à Arles, le montrent jeune, fragile et déterminé, déjà conscient de l’impact visuel de sa personne.
Mais c’est avec la création de sa propre maison en 1961, soutenu par Pierre Bergé, que Saint Laurent devient véritablement un personnage public. L’exposition revient sur cette transformation, capturée par les plus grands objectifs : Jeanloup Sieff le photographie nu pour Pour Homme ; Irving Penn le fige dans une sobriété magnétique. Chaque image devient une affirmation : celle d’un homme prêt à incarner sa marque avec autant de panache que ses créations.
Quand la photographie devient langage de mode
Plus que tout autre créateur de son époque, Yves Saint Laurent a compris la photographie comme un médium de narration. L’exposition à LUMA Arles révèle cette relation quasi fusionnelle : les planches-contacts, les tirages d’époque et les archives inédites dessinent un langage visuel propre, où chaque collection est pensée comme un récit en images. Mondrian, Sahara, Ballets russes… Chaque ligne de vêtements trouve son écho dans une mise en scène photographique spécifique, souvent signée par les plus grands artistes du genre.
Le parcours souligne également combien Saint Laurent a su s’entourer des talents photographiques les plus innovants. Guy Bourdin, Ellen von Unwerth, Paolo Roversi ou même Andy Warhol ont tous saisi une facette de son génie. Loin des simples campagnes de mode, ces images dialoguent entre elles comme les fragments d’un autoportrait mouvant, tantôt sensuel, tantôt mélancolique. À travers elles, le couturier devient œuvre lui-même.
Une vision artistique née d’un regard d’enfant
Dans une préface émouvante rédigée pour Histoire de la photographie de mode en 1978, Yves Saint Laurent écrivait : “Parler de photographie, c’est me rappeler mon enfance.” À Oran, dans les années 40, le jeune Yves découvre la mode par le prisme des magazines de sa mère. Ce “papier satiné” devient alors le support de ses premières émotions esthétiques. Ce lien originel, l’exposition le rend tangible, notamment à travers une reconstitution poignante de son univers d’enfant, où dessins, croquis et photographies se côtoient comme les germes d’une vocation.
Ce regard naïf, fasciné par la beauté imprimée, a profondément influencé sa manière de penser le vêtement. Chaque silhouette imaginée par Saint Laurent semble conçue pour exister devant l’objectif. Il stylise, cadre, chorégraphie : le vêtement devient image, et l’image, prolongement du vêtement. Ce processus est brillamment mis en scène dans l’exposition grâce à des installations immersives, dont une salle transformée en chambre noire où se développent symboliquement les inspirations du couturier.
Une première historique pour les Rencontres d’Arles
C’est une première dans l’histoire des Rencontres d’Arles : jamais un couturier n’y avait été mis à l’honneur avec une telle ampleur. Grâce au travail conjoint de Simon Baker (Maison Européenne de la Photographie) et Elsa Janssen (Musée Yves Saint Laurent Paris), Yves Saint Laurent et la photographie dépasse le simple hommage. Elle interroge la place centrale de la mode dans l’imaginaire visuel du XXᵉ siècle, et consacre le couturier comme l’un de ses plus grands metteurs en scène.
L’exposition culmine dans un “cabinet de curiosités” réunissant des trésors issus des archives personnelles du créateur : lettres, polaroïds, notes manuscrites, et même des textes dans lesquels il exprime son admiration pour des photographes comme Henry Clarke. Ce regard, à la fois passionné et lucide sur l’image, conclut un parcours émouvant et visuellement éblouissant. À Arles, Yves Saint Laurent ne défile plus : il vit, il respire, et il regarde.