Dans l’écrin feutré du XVIe arrondissement parisien, une rénovation signée Tala Fustok Studio réinvente les codes du classicisme haussmannien. Entre respect du patrimoine et audace contemporaine, cet appartement devient un manifeste d’élégance subtile, où chaque détail raconte un dialogue entre passé et présent, rigueur et sensualité, structure et lumière.
Une rencontre architecturale au croisement des époques
Tout commence par une rencontre : celle d’un jeune couple à la recherche d’un pied-à-terre à Paris, et d’un immeuble haussmannien à la silhouette singulière, marqué par des transformations successives au fil du XXe siècle. Extérieur Art déco hérité des années 40, extension seventies inattendue… Cet immeuble avait l’élégance discrète des lieux à histoires. L’équipe du Tala Fustok Studio y a vu une opportunité : celle de créer une architecture intérieure qui ne s’impose pas, mais révèle.
« Nous travaillons toujours à partir des personnalités de nos clients, de leurs modes de vie et de leurs univers », explique Tala Fustok. « Notre rôle n’est pas de figer une esthétique, mais d’ouvrir un espace à de nouveaux imaginaires. » C’est donc avec délicatesse et écoute que ce projet de 360 m² a pris forme. Le défi ? Concilier les lignes haussmanniennes originelles avec une lecture contemporaine qui refuse l’ostentation. Le style français, oui – mais version apaisée, fluide, lumineuse.
La Rotonde, cœur sensible de l’appartement
L’architecture intérieure s’organise autour d’un point névralgique : une rotonde baignée de lumière naturelle, qui articule les différents volumes de l’appartement. La question de la lumière, omniprésente, devient fil conducteur. Comment révéler la clarté sans l’écraser ? Le plafond strié capte les reflets au fil du jour, tandis qu’un lustre en bronze module les ambiances à la tombée de la nuit. Les assises, modulables, s’emboîtent en un canapé géant à l’allure seventies, formant un cocon sensuel.
La matière joue ici un rôle essentiel. Du daim, du cuir, du frêne teinté : des textures chaudes qui cassent toute tentation de froideur minimaliste. Chaque niche devient ponctuation, rythme, respiration. L’entrée donne le ton, avec une porte ancienne transformée en vide-poche surmontée d’un miroir artisanal. Dans le salon, un ancien panneau mural dissimulait une alcôve inattendue : elle devient le cadre d’une cheminée en marbre, contrebalancée par une bibliothèque sur mesure en bois. Lignes verticales, joints creux, équilibre des matières… L’ancien se glisse dans le nouveau comme une note tenue dans une composition moderne.
Salle à manger et perspectives : chorégraphie des courbes et des matières
À la croisée de la rotonde et du salon, la salle à manger joue la carte des perspectives ouvertes. Le regard circule, traverse, s’attarde. La table monumentale, imaginée par le studio et réalisée par Aisthesis, rend hommage aux lignes du XIXe siècle tout en affirmant un design contemporain : verre cintré par le bois, équilibre entre courbe et rigueur. Elle peut accueillir jusqu’à 14 convives, mais une seconde table, plus intime, est installée pour les dîners à deux – preuve que le luxe peut aussi être dans la simplicité.
Le bois de la porte répond à celui de la cheminée, les niches révèlent la matérialité foisonnante de l’ensemble. De jour, c’est une salle vivante, habitée par la lumière et les textures. Le soir, elle s’assombrit avec douceur, enveloppée dans une clarté tamisée. Les transitions ne sont jamais abruptes, elles racontent une fluidité volontaire. Chaque pièce est pensée non comme un décor figé, mais comme une scène de vie, capable d’évoluer selon les heures et les humeurs.
Chambre et salle de bains : réinterpréter le patrimoine avec grâce
Seules deux traces tangibles de l’ancien appartement ont été conservées : la cheminée et les moulures de la chambre principale. Mais elles ne sont pas laissées intactes. Les boiseries ont été repeintes en bleu, insufflant une vibration contemporaine dans ce classicisme assumé. « Nous voulions que les propriétaires s’endorment à Paris et se réveillent à Paris », confie Tala Fustok – un hommage poétique à l’âme de la ville, distillé dans l’intimité de la chambre.
Dans la salle de bains, les jeux de matières atteignent leur apogée : carrelage en grès cérame vert foncé, baignoire noire aux lignes nettes, encadrement en frêne, touches de marbre adouci. Loin du total look, chaque matériau trouve sa juste place. Le résultat ? Un dialogue entre naturel et contemporain, entre structure et douceur. Et surtout, une émotion spatiale rare, dont la plus belle reconnaissance vient sans doute de cette phrase glissée par Tala Fustok : « Ils étaient si heureux du résultat qu’ils ont décidé d’en faire leur résidence principale. »
Rénover un appartement haussmannien, c’est toujours travailler sur un fil : celui de l’héritage, du style, de la lumière. Le pari de Tala Fustok Studio est d’avoir su faire vibrer cet équilibre avec grâce, sans bruit, mais avec une profondeur sensible. Ce projet à Paris n’est pas une simple transformation – c’est une transfiguration. Là où l’ancien rencontre le contemporain, un nouveau récit se dessine : celui d’une architecture qui écoute, qui respire, qui sublime sans jamais imposer.
